On a calculé que si on réunissait
tous les êtres humains vivants de la Terre, et si on parvenait à
supprimer le vide de leurs atomes, toutes les particules qui
composent l'espèce humaine tiendraient dans un dé à coudre.
Un dé à coudre de particules, et du
néant, pour construire trois milliards d'hommes, quel que soit le
maçon, il sait tirer parti des briques !
Mais ces briques elles-mêmes, ces
particules, ce matériau de base de la matière, sont-elles vraiment
bien solides ? Sont-elles enfin quelque chose ? Ma main,
mon cœur, le bois de mon bureau, l'épaule de mon fils, peut-on
s'appuyer ?
Prudence. Ces particules, ceux qui les
connaissent le mieux en sont à se demander si elles ne sont pas
seulement des parcelles d'énergie en mouvement. Et si elles ne se
divisent pas à leur tour, en particules infiniment plus petites,
séparées par du vide, lesquelles particules infiniment plus petites
n'ont pas de raison de ne pas être à leur tour composées
d'énormément de vide, et de particules qui, si petites
soient-elles, peuvent à leur tour ne contenir à peu près que du
vide et d'autres particules encore plus petites, plus petites,
petites...
Tout cela serait déjà assez
effrayant, assez merveilleux, mais il faut ajouter que ces particules
sont animées de mouvements si rapides et d'un caractère si
particulier que leur position est toujours seulement probable.
C'est-à-dire qu'elles ne sont, à aucun instant, ni là ni ailleurs,
mais seulement quelque part...
Ta femme, ton cœur, ma soupe, ma main,
toi-même... composés de tourbillons de rien qui ne sont jamais là ?
Vanité des vanités, dit l'inconnu de l'Ecclésiaste, tout
n'est que vanité. Il a peut-être commencé à le dire en sumérien.
Peut-être bien avant Babel le disait-il déjà. Puis en araméen, en
hébreu, en grec et en latin :
Vanitas...
Dérivé de vanus, qui
signifie : VIDE.
La science à son tour vient de le
découvrir.
La Faim du tigre, René Barjavel,
Édition Folio, p. 68-69.
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