L'Univers est un livre qui s'écrit
sans cesse en pleine clarté. L'homme est un mot, une phrase, un
chapitre de ce livre. Mais il ne sait plus lire ni en lui-même ni
dans les autres pages. Par son corps animal, il continue de faire
absolument partie du grand fleuve de la création. Il est une goutte
dans le courant, traversé par lui et lié à lui dans sa mobilité.
Il est dedans, par toutes ses cellules. Mais par la pensée il a cru
s'arracher à cette dépendance, explorer le fleuve à sa guise. Il a
perdu le sens du courant. Il continue à être emporté, mais il ne
sait plus où il va.
Il a inventé de nouvelles écritures
qui lui ont fait oublier celle de l'Univers. Il a élaboré des
sciences qui lui ont fait perdre le savoir. Toute son attention est
appliquée à l'apparence des choses et néglige leur signification.
Il est comme un enfant curieux qui suit avec le doigt le contour des
lettres, et qui ne sait pas lire. Il s'est mis à faire l'inventaire
de ce qui est, et ne sait plus pourquoi cela est.
La Faim du tigre, René Barjavel,
Édition Folio, p. 156-157.
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