jeudi 10 janvier 2019

Suicide commandé

Toute les conférences de désarmement échoueront, toutes les propositions seront repoussées et tout le monde le sait.
Sécurité, contrôle : prétextes, futilités, enfantillages.
Personne ne veut se séparer de la Bombe.
En réalité, personne ne peut s'en séparer. Elle est née des hommes comme le venin naît de la vipère. La vipère ne peut pas, même si elle le désire, devenir couleuvre. Et si elle est vipère, ce n'est pas de sa faute.
La Bombe est la plus récente forme de la guerre.

La guerre est un phénomène de compensation intégré au processus vital de l'espèce humaine par une loi ou – c'est la même chose – une volonté d'équilibre, pour corriger l'inefficacité d'agression des autres espèces. À mesure que cette inefficacité grandissait, l'efficacité de la guerre a grandi. Du caillou à l'atome, la puissance des armes que l'homme a utilisées contre lui-même dessine la même courbe que l'expansion de l'espèce. L'une et l'autre viennent d'atteindre le bas de l'élan vertical, vertigineux, total. 

L'homme en train de devenir géant serre contre son cœur l'arme de son suicide. L'actionnera-t-il avant d'avoir escaladé le ciel ?
S'il le fait, ce sera voulu, mais non par lui : ce sera un suicide commandé. Comme est commandé le perpétuel repas où les enfants sont mangés.
 

La Faim du tigre, René Barjavel, Édition Folio, p. 113-114.


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