"J'ai été vraiment surprise par l'originalité de ce film. Et de voir
combien il est émouvant, riche et à plusieurs niveaux de lecture. J'aime
beaucoup son message : l'importance d'avoir foi dans le fait que chacun
trouve sa voie, et accepter parfois de la trouver de façon surprenante
et inattendue. Chaque personne a un rôle à jouer ici bas, c'est un
message important, je trouve. Bien que La Jeune fille de l'eau soit au
départ un conte que Night a inventé pour ses enfants, je crois que c'est
un message qu'il convient de répéter aux adultes."
Propos de l’actrice Bryce Dallas Howard recueillis à New York par Yoann Sardet le 10 juillet 2006
Mercredi
23 août 2006 est sorti en France le film La Jeune fille de l’eau.
J’attendais avec impatience le dernier opus du maître Shyamalan, deux
ans exactement après la sortie du Village. Je ne sais pas si je suis LE
plus grand fan de ce cinéma si original, mais je fais parti de ces
personnes qui ont vu ces films comme des expériences. Chacun des films
du réalisateur m’a fait me poser des questions et a fait écho avec ma
vision du monde. Un peu comme l’écrivain Paulo Coelho le fait mais à
travers ses livres. En ce sens, le cinéma de Shyamalan est celui que je
préfère car il met en images ce que je souhaite voir, ses messages
reflètent le mieux ma philosophie de vie. Pour résumer un peu le
scénario, Cleveland Hepp (Paul Giamatti), le concierge d’un complexe
résidentiel, voit sa vie basculée la nuit où il trouve une nymphe (Bryce
Dallas Howard) dans la piscine. Dotée de dons de voyance, Story est
venu révélé à chacun des habitants de l’immeuble leur avenir, lequel est
étrangement lié au sien. Originaire du « Monde bleu », elle ne pourra y
retourner qu’en évitant les attaques d’un « Scrunt », sorte de loup au
pelage fait d’herbes et chargé de tuer les nymphes égarées. C’est en
décryptant une série de codes avec l’aide de Cleveland et des locataires
que leur destin sera scellé.
Qu’ai-je donc pensé de La Jeune fille de l’eau ?
Tout
d’abord je tiens à dire que j’ai beaucoup aimé. L’histoire de cette «
narf » (sorte de nymphe aquatique issue d’une légende asiatique) qui
rejoint le monde des hommes pour leur faire prendre conscience de leur
place dans l’univers est typiquement « Shyamalanesque ». Nous avons tous
un rôle à jouer, ce rôle n’est pas forcément celui auquel on pense. Ce
conte philosophique, que le réalisateur racontait à ses enfants, est
éclairé par cette idée humaniste à laquelle j’ai toujours adhéré ; la
fin du film illustre magnifiquement ce lien que nous avons tous entre
nous, mais que nous ignorons bien souvent. Les créatures du « monde bleu
» sont là pour nous le rappeler et faire évoluer l’humanité. Le message
des personnages hauts en couleur de l’histoire empreint de spiritualité
semble affirmer que seul l’amour sauvera l’humanité. J’ai tendance à y
croire, même si ici le côté naïf et crédule des personnages nous fait
bien comprendre que l’on est dans un conte de fée.
Tout est
intentionnellement simplifié, personne ne se pose de question quant à
l’apparition de cette nymphe au teint blanchâtre et cela pourrait
refroidir certains spectateurs. Il est en effet nécessaire d’adhérer dès
le début au fait que ce soit un conte, pour pouvoir se laisser
transporter ; et le fait que cette fable se joue dans un contexte réel
avec des adultes peut rendre la chose difficile. Ainsi le film est
davantage « Tout publics » que les précédents, plus divertissant
(attention au loup quand même il fait flipper !), mais faussement
enfantin. Car le message est bien toujours là, aussi profond que dans Le
Sixième Sens, Incassable, Signes, ou Le Village... et c’est cela le
principal à mes yeux ; cela qui me fera préférer La Jeune fille de l’eau
a un autre film de divertissement.
Tous les ingrédients
présents dans ses autres films sont présents : du surnaturel qui émerge
dans le quotidien, une intrigue construite comme un puzzle où toutes les
pièces ont leur importance, la magnifique musique composée par James
Newton Howard et de l’eau, élément important pour le réalisateur,
probablement en raison de sa symbolique.
Le réalisateur ne se
contente pas de reprendre ces mêmes formules, il innove par exemple en
ne terminant pas son film par un traditionnel coup de théâtre....mais en
y réfléchissant bien, le film lui même peut se voir comme un coup de
théâtre à lui tout seul tant il regorge d’idées originales et est
impossible à cataloguer. Conte pour enfants ? Thriller ? Comédie ? Film
philosophique ? Un peu de tout ça en même temps.
Je serai
honnête en disant que quelques petits détails ne m’ont pas plu…preuve
que je ne considère pas Shyamalan comme une divinité et que je garde mon objectivité…
J’ai lu de nombreux articles et critiques
au sujet du film, avant d’aller le voir en salle, ce n’était pas une
surprise de constater que l’accueil de la presse était plutôt froid
comme pour ces films précédents. Pourtant, je dois avouer que cette
fois-ci les critiques étaient recevables.
La critique justement…
Le
réalisateur a dû en souffrir, lui qui semble essayer de fédérer le
maximum de gens autour des idées qu’il véhicule ; le fait que le projet
de ce film fut refusé par les studios Disney a dû renforcer son
isolement, sa frustration et le sentiment d’être incompris.
Un peu
comme Spielberg dont il est considéré comme l’héritier pour beaucoup,
Shyamalan cherche à émouvoir, à diffuser ses messages humanistes
derrière un emballage populaire. Il ne veut pas forcément faire plus
d’argent en attirant un public plus large, mais il veut éveiller leur
conscience, le faire adhérer à sa philosophie. Oui, nous avons tous une
place dans le monde, oui nous sommes tous reliés, il existe une force au
dessus de nos têtes, un plan qui nous est destiné. A nous de décrypter
les signes pour les découvrir.
Oui, mais voilà, on est en droit
d’y croire ou pas. Certains comme moi n’ont pas besoin d’un film pour
suivre cette idée, d’autres ne seront pas réceptifs à ce genre de
message où ne chercheront pas au cinéma ce genre de discours. Il est
impossible pour Night de réunir tout le monde à sa cause, je dirais même
que c’est une bonne chose sous peine de voir son cinéma qualifié de «
totalitaire ». Ce que certains critiques n’ont pas hésité à faire.
Cette
pointe dirigée à l’égard du réalisateur n’est pas fondée à mon avis,
même si La Jeune fille de l’eau aurait gagné à être aéré. En effet
l’histoire ne se déroule que dans les bâtiments et les alentours de la
piscine, une sorte de huis clos causé par la présence du « Scrunt » à
l’extérieur, prêt à bondir. Cette forme d’enfermement était légitime
dans le récit du Village, ici c’est mois évident. Peut être Night a-t-il
voulu retranscrire le monde matériel, cloisonné et sclérosé des
humains. N’empêche que la critique s’est jetée sur ce détail pour y voir
une tentative de l’auteur d’isoler les personnes qui aiment ses films
et leur message (les résidents de l’immeuble) et de les opposer au reste
du monde, assimilé à la créature maléfique.
Le fait que Shyamalan se
soit attribué un rôle relativement important dans le film serait un
moyen pour lui de s’imposer comme un gourou. Il y joue le rôle d’un
écrivain dont le message de ses livres éveillera l’humanité à un autre
niveau de conscience.
Je pense qu’en endossant ce rôle, Night a pris
le risque d’être considéré comme un être prétentieux. Ce dont il se
défend à travers les dialogues de son personnage. Il est clair cependant
que cette technique n’est pas la meilleure pour mettre les gens dans sa
poche.
La critique encore elle, est incarnée dans son film par
le personnage dont le métier est justement d’être critique de cinéma. Le
réalisateur semble s’en prendre à ses détracteurs en se servant de son
film, et c’est ce que je lui reproche. Quiconque ne connaît pas ses
antécédents avec la presse n’y verra probablement rien, mais pour ceux
qui comme moi connaissons cette relation houleuse on ne peut que sortir à
ce moment là de l’histoire. La réalité reprend le dessus un instant.
Ainsi
le personnage du critique est représenté comme un être sans cœur, aigri
de la vie, qui ne comprend rien aux films, privilégie la forme au fond,
et pense détenir la vérité. Il se fera d’ailleurs dévorer par le Scrunt
dès leur première rencontre dans les sous-sols du bâtiment.
Voilà
donc la principale critique que je pouvais faire sur La Jeune fille de
l’eau, le fait que le réalisateur se soit trop impliqué et ait voulu
faire une sorte de bilan de l’ensemble de son œuvre et de sa relation
avec son public en se servant du récit du film.
Je trouve aussi
dommage que le personnage de story, joué par l’excellent Bryce Dallas
Howard, ait été trop peu exploité. Je la préférais dans le rôle d’Ivy, à
l’opposé de celui de story bien plus effacé. Le paradoxe ne s’arrête
pas là si l’on y regarde de plus près, en effet en même temps que Story
voit l’avenir et est timide, Ivy est aveugle et aventureuse. Est-ce un
hasard ?
De la part de M.Night Shyamalan je pense que ça ne l’est
pas. Tout est minutieusement calculé, il semble aimé avoir le contrôle
sur tout. Né le 6 août 1970, Mejo (le M. de son nom) est Lion et si je
faisais un parallèle avec l’astrologie (allons-y !), la mission de ce
signe est d’être le représentant de notre royauté intérieure. Au niveau
le plus élevé de vécu, l’énergie Lion veut faire prendre conscience à
travers ses capacités que l’humain est un être extraordinaire, que nous
sommes tous des rois et des reines, des êtres de lumière.
En ce sens
la fin du film illustre parfaitement cela, encore plus que dans ses
précédents ; néanmoins peut être est-il tombé aussi dans un des dérivés
du signe en mettant un peu trop en avant son ego à un petit moment du
film…
Mais moi-même qui suis Lion, je ne peux pas lui en vouloir.
Il
n'y a pas de hasard, les signes que le destin déposent sur notre route
pour nous aider à traverser des périodes difficiles peuvent prendre
différentes formes; voilà le message le plus important que je retire des
films de Night et de La Jeune fille de l'eau en particulier.
J’attends avec impatience ses prochains films et je suis prêt à revoir cette Jeune fille de l’eau, si mystérieuse.
Bryce Dallas Howard et Paul Giamatti dans La Jeune fille de l'eau (2006) - M.Night Shyamalan
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